A. Stratégie à court et moyen terme
Notre indicateur “Coroscope” permet d’évaluer les mesures prises dans un pays pour diminuer les risques de mortalité.
Cette rubrique est réalisée avec les échanges avec le Dr Bachir Athmani à Paris et Mathieu Bouquet en Chine.
1. Les 3 grands axes d’action d’une stratégie efficace à court terme
L’action face à la propagation du virus se compose globalement de 3 volets :
1. prévention
2. identification
3. médicalisation (traitement)
Chacun de ces 3 volets se décline en plusieurs mesures, que nous avons identifiées sous la forme de 13 actions principales (lignes de notre tableau), auxquelles nous ajoutons les mesures d’anticipation, de préparation et de réaction dont font preuve les pays.
2. Le tableau
Suite à l’évaluation des mesures adoptées, chaque pays se voit attribuer une note globale, évolutive en fonction de sa réaction face à l’épidémie. Nous vous livrons ci-dessous la première mise à jour de cette évaluation débutée hier et qui sera amenée à s’améliorer avec le temps.
3. Evaluation pays : Asie – efficacité des mesures à court terme : éviter la vague destructrice pour les systèmes de santé
Il apparaît que pour “éteindre l’incendie” (mais sans pour autant éteindre les braises), les pays ayant jusqu’à présent réussi à juguler l’épidémie sont les premiers cas historiques :
– Chine continentale (hors Wuhan et le Hubei)
– Corée du Sud, Singapour et Hong Kong entre autres
Ceci par une approche “360 °” (prévention – identification – traitement) dans l’espace et très rapide dans le temps.
Il convient néanmoins de rester vigilant, car la braise est toujours là et peut engendrer une 2ème vague potentielle. C’est par exemple la crainte à Hong Kong actuellement, avec le retour de nombreux Européens. Cette crainte perdurera jusqu’à l’arrivée d’un éventuel vaccin (probable mais non certain, comme le montrent les espoirs déçus face au SIDA) destiné aux population vulnérables.
4. Une “deuxième vague” ?
Plusieurs éléments laissent penser qu’une “deuxième vague” est probable en Asie (et ailleurs) :
– exemple historique de la grippe espagnole (2 pics à quelques mois d’intervalle)
– en Chine, retour dans les mégapoles des travailleurs des différentes provinces après le Nouvel An chinois
– cas importés, comme c’est le cas depuis quelques semaines partout en Asie orientale, (environ 50 cas par jour en Chine) et qui a justifié il y a 48h la forte réduction des vols internationaux (en Chine, 1 seul vol / compagnie aérienne / destination / semaine, et dans plusieurs pays d’Asie, y compris la Chine, fermeture des frontières aux citoyens étrangers, y compris ceux en possession d’un visa ou d’un titre de résident).
– à moyen terme : la plus grande partie de la population n’a pas eu le temps d’être au contact du virus et donc d’être immunisée. Nous n’avons pas encore assez de données sur l’évolution du virus dans le temps : disparition (comme ce fut le cas pour le SRAS en 2003) ou endémique (avec saisonnalité ou non) ?
5. Le cas français
La France (note globale de 10 sur 30 dans notre tableau, 30 correspondant au standard maximal) est à nos yeux en train d’évoluer vers une stratégie plus offensive, et nous ne pouvons que nous en féliciter, en espérant que les déclarations seront suivies d’effets rapides.
Un énorme effort est fait par les autorités sanitaires et il faut les en féliciter :
– masques : un milliard à la Chine (soit 56 aller-retours d’Antonov) pour une utilisation estimée à 18 millions d’unités par jour.
– tests : une commande importante en Chine et une demande à nos laboratoires (humains et vétérinaires) d’avancer sur la mise au point de « test minute », que certains pays (Belgique, Etats-Unis, Thaïlande, Vietnam) sont en passe de mettre en oeuvre.
– lits de réanimation : capacité de traitement des cas difficiles de 7 000 à 14 000 lits
Néanmoins, il faut comprendre que nous sommes en “état de guerre” et que si ces commandes sont louables elles sont extrêmement dépendantes de l’extérieur (Chine en l’occurrence !) et surtout du marché : à mon échelle, je suis tous les jours soumis à des demandes d’autres pays (Etats-Unis, Israël,…), et la Chine n’a pas la capacité actuelle de fournir les masques, les tests, les respirateurs simultanément à la planète entière !
Les livraisons annoncées auront lieu, mais seront largement insuffisantes par rapport aux besoins quotidiens des professionnels et des personnes à risque du monde entier. Hier, un vol a transporté 5,5 millions de masques de Chine vers la France, pour un besoin estimé au minimum à 15 millions par jour pour le pays tout entier.
B. 6 points-clés rassurants sur la pathologie
1. Une pathologie certes contagieuse, mais relativement peu létale
Etre porteur du virus, même avec des symptômes, est très loin d’être une condamnation !
La contagiosité s’illustre sur les cas historiques (exemple du paquebot “Diamond Princess”, avec près de 20% des croisiéristes touchés en moins de 2 semaines : 621/3711) ou typique (environ 50% des cas en Israël concernent des juifs orthodoxes).
La létalité (nombre de décès sur nombre de diagnostics positifs) se situe vraisemblablement autour de 2% (voire moins de 1% comme à Shanghai quand le système de santé n’est pas saturé), ce qui le rapproche du taux de la grippe “espagnole” de 1918-1919, pandémie ayant engendré de nombreuses victimes, mais 100 ans auparavant et sans les moyens actuels.
Pour référence, la létalité du virus Ebola (2015-2016) dépasse les 50% et celle de la peste (1300-1400) plus de 30%.
2. Dans la très grande majorité des cas, le covid-19 épargne les enfants et le risque pour un adulte est relativement faible
Les enfants pour des raisons non encore bien documentées sont certes de gros vecteurs potentiels du virus, mais très rarement symptomatiques, et exceptionnellement victimes (exceptionnel cas de la jeune française de 16 ans décédée en quelques jours alors qu’elle n’avait aucun antécédent médical)
La mortalité touche avant tout les populations “fragiles et vulnérables” :
- les personnes de plus de 75 ans : 80% des décès en France à ce jour (noter aussi que sur les 12 décès observés en Israël, tous avait plus de 60 ans et 8 avaient plus de 90 ans)
- les patients présentant des terrains à risques : cardiopathie, pathologie pulmonaire, obésité, etc. (comme l’a montré une récente étude italienne que nous avions publiée il y a quelques jours)
Si on se réfère aux données chinoises, 1% de la mortalité touche l’adulte de moins de 60 ans. Ce qui explique quelques cas “atypiques” mais médiatisés comme par exemple le médecin Li Wenliang, lanceur d’alerte de Wuhan décédé à 35 ans.
3. Elle est le plus souvent (80% des cas) peu symptomatique
Si on se réfère aux données chinoises, seuls 20% des patients doivent être hospitalisés avec besoin d’assistance médicale (oxygène, voie veineuse) et environ ⅓ (soit 5 à 7% des patients positifs) iraient en soins intensifs (monitoring et possible ventilation assistée).
Dans la très grande majorité des cas, le covid-19 est peu ou pas symptomatique.
4. Une maladie beaucoup mieux connue qu’initialement
En 3 mois, la maladie est de mieux en mieux connue grâce notamment aux exemples Chinois (premier standard) et italien : sur le virus (séquençage génomique dès fin décembre 2019, test biologiques,…), épidémiologiques (enfants épargnés mais à potentielle contagiosité, proportion des cas en réanimation,…), cliniques (prise en charge de mieux en mieux codifiée).
5. Des solutions à court terme existent… d’autres arriveront à plus long terme
A court terme, des solutions existent pour éteindre l’incendie rapidement, comme l’ont montré les exemples asiatiques (voir notre tableau Coroscore : en Chine, en Corée du Sud,…).
Il convient néanmoins de rester vigilant, car la braise est toujours là et peut engendrer une 2ème vague, comme évoqué précédemment.
A long terme, la Chine et ses voisins ne pouvant pas éternellement vivre en autarcie, une thérapeutique efficace préventive ciblée sur les populations vulnérables (type vaccin anti-Covid, équivalent à notre vaccin antigrippal) devrait être proposée.
L’intelligence de la planète est mise à contribution et tous les laboratoires sont en effervescence avec des équipes “globales” 24/7 : exemple du projet GVN (“Global Virus Network”) du Professeur Robert Gallo à Baltimore, pour la mise au point d’un vaccin. Tout en restant prudent sur sa mise au point (cf les espoirs déçus face au VIH), il ne pourra voir le jour au mieux qu’en fin d’année 2020.
6. De la chance d’être Français (ou Européens)
Une protection sociale couvrant presque ”de la naissance à la tombe” (à comparer avec le cas -vraisemblablement pas unique- récent d’un patient covid-19 américain qui n’a pu accéder au système de santé faute de carte de crédit solvable).
Les gouvernements européens ont immédiatement apporté un soutien économique et social. La France prévoit d’injecter 345 milliards d’euros, soit 16 % du PIB pour faire face à cette crise prévue pour durer au moins 1,5 mois. A noter que 1,5 mois correspond à 16 % de l’année… d’où vraisemblablement les 16 % du PIB !
Les pays européens dans leur ensemble peuvent par ailleurs s’appuyer sur une capacité hospitalière bien développée et des soignants dévoués et de haut niveau.
Le gouvernement français retrouve une dynamique “offensive”, même si les mesures annoncées (masque, tests,…) risquent d’être mises en oeuvre un peu tardivement, car dépendant pour l’instant trop de l’extérieur (de la Chine essentiellement !).
C. France J14 – Le service de santé français en première ligne
Les éléments ci-dessous sont à lire avec les réserves concernant la validité des données (définition des cas, sous-estimation possible, etc.) déjà évoquées précédemment, et en gardant à l’esprit que ce sont les tendances qui comptent, plutôt que les chiffres bruts pris à l’instant t..
1. Incidence : 2 599 nouveaux cas confirmés (4 611 hier, 3 809 la veille) dont 2530 en milieu hospitalier
Nous restons en phase de croissance épidémique. La chute du nombre de nouveaux cas sur 24 heures n’est pas suffisante pour indiquer un ralentissement de l’épidémie, il convient d’attendre les jours à venir.
2. Prévalence : 30 366 cas actifs en observation (29,5k hier)
Sur cette seule base, le temps de doublement augmente par rapport à hier (mais une tendance mesurée sur seulement 2 jours n’est pas significative : la tendance était inverse hier) et se situe aujourd’hui entre 7 et 8 jours.
3. Tendance (comparaison avec l’Italie) : trajectoire proche
A ce jour, la trajectoire de la France reste relativement proche de celle de l’Italie avec environ 10 jours de décalage. Elle semble s’écarter (favorablement) sur les dernières 24 heures, mais une tendance mesurée sur 24 heures n’est pas significative, et il faudra attendre les prochains jours pour confirmer ou non.
4. Système de santé
L’Ile de France est sous tension, le Grand Est est saturé, mais des patients hospitalisés sont transférés au Sud (“TGV sanitaire”) et en Allemagne. S’il y a pénurie de certains matériels (en cours de correction suite aux annonces gouvernementales), il faut souligner la qualité des infrastructures françaises et la mise en place d’une coopération européenne, qui permettent de soulager quelque peu le système de santé.
5. Distribution territoriale : toujours Ile de France et Grand Est
Une nouvelle méthode de comptage est en cours de mise en place, avec une réévaluation importante attendue du nombre de cas suite aux déclarations des autorités. Les chiffres par région seront fournis de façon plus exploitable pour tous d’ici quelques jours.
D. Incidence monde : une dynamique exponentielle
Merci à Stéphane, compagnon de la première heure pour sa participation.
Bien sûr avec toutes les réserves nécessaires quant à la validité des chiffres (disponibilité des tests, validité des données,…), mais ce qui est essentiel est la tendance.
1. Incidence : 56k nouveaux cas diagnostiqués (66k hier, 62k la veille)
C’est environ 20 fois les chiffres observés en Chine (environ 1/5ème de la population mondiale) au moment du pic dans le Hubei (3k par jour).
2. Vision spatiale : 90% des nouveaux cas sont détectés en Occident (60% en Europe et 30% aux Amériques)
2.1. Par pays
Les Etats-Unis et l’Espagne restent en phase exponentielle.
- Etats-Unis 18,5k (stable)
- Espagne 7k (-1)
- Italie 5k (-1)
- Allemagne 4,7k (-2)
- France, Iran et Angleterre 3k
- Turquie Suisse, Pays Bas, Belgique : 1 à 2k environ
Tableau : évolution chiffrée par pays
Graphique : évolution par pays
2.2. Par continent : ⅓ des nouveaux cas aux Amériques
E. Prévalence monde – En quelques jours, les Etats-Unis ont un nombre de cas cumulés supérieur à celui de la Chine (80 k) en 2 mois !
1. Chiffres (cas actifs) : 534k
Le temps de doublement est de 5-6 jours (stable).
2. Vision spatiale
2.1. Par pays
Top 6 pays :
- Etats-Unis 135k (18 hier) : ¼ des cas actifs de la planète
- Italie 74k (70 hier)
- Espagne 59k (55)
- Allemagne 53k (49)
- France 31k (30)
- Iran 23k (21)
2.2. Par continent
Les occidentaux représentent actuellement 83 % des patients diagnostiqués !
Merci à Mathieu Bouquet, partenaire de la première heure, pour son aide précieuse.
Gardez en tête le “réflexe 3M” (Mains-Masques-Mètre) pour se protéger…. mais surtout pour protéger les plus vulnérables.
Confiance et solidarité pour ce combat collectif,
Dr Guillaume ZAGURY
Spécialiste en Santé Publique Internationale
Consultant en “Health Innovations”
HEC
En Chine depuis 2000.“Toute réussite est collective”, merci à :
– toute l’equipe “Back Up” (Mathieu Bousquet, Carole Gabay, Flavien, Marie, Laetitia, Anne-Sophie,…),
– toute l’équipe médicale GVMN (Global Virus Medical Network : Dr Bachir Athmani, Dr Ibrahim Souare, Dr Viateur, Dr Taieb,…) qui permettent à ce projet d’exister, sans qui ce projet n’aurait pu voir le jour.
– tous les mécènes financiers (Jerome, Benjamin Denis & B Square, Benoit Rossignol, Arnault Bricout) qui oeuvrent pour des “Actions Citoyennes”
Si vous vous sentez l’âme de mécène ou de partenaires pour financer le développement informatique, n’hésitez pas à me contacter (guillaume@covidminute.com).
Également, même si une partie de l’équipe est basée à Shanghai, n’hésitez pas à venir nous rejoindre, car ce n’est pas le travail qui manque 🙂Pour ceux qui veulent prolonger la lecture avec un complément d’iconographies, sur des social médias occidentaux:
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